Les traces du passé
Parmi les éléments décisifs qui nous ont décidé à nous lancer dans ce projet, il y a les photos de Henri. Il prend ses premiers clichés en 1943, au moment où il s’engage dans la Résistance. Depuis, il a accumulé plus de 2000 photos et diapos prises tout au long de sa vie. Ces images sont fortes et belles. Elles ont la valeur d’un témoignage documentaire. Et elles sont polysémiques. Dans le film, nous les utiliserons à différents niveaux :
Historique : elles dévoilent des lieux et des situations qui ont rarement été photographiés du point de vue d’un militaire français (le Tchad en 1948, les guerres de Corée, d’Indochine et d’Algérie).
Artistique : si Henri n’est pas un grand photographe, certains de ses clichés témoignent d’un vrai regard.
Personnel : à travers les photos de Henri, on devine la relation qu’il noue avec ceux qui l’entourent, son rapport au territoire ainsi que son attachement à la nature.
En plus de ses photos, Henri a d’autres archives : des carnets de marche intimistes où il a écrit, après guerre, son activité de résistant puis ses premiers pas en tant que Capitaine de l’Armée française.
Henri a aussi conservé son courrier échangé pendant la guerre et notamment lors de son incarcération à la Prison de la santé.
Nous travaillerons aussi à partir d’autres archives (télé, cinéma et amateur) afin de rendre visible certains éléments de contexte lié au passé de Henri (Pierre Savorgnan de Brazza, la libération de Paris, le Tchad et l’Algérie…).
Des séquences d’animation viendront rendre visible des situations vécues par Henri pour lesquelles nous n’avons pas d’images. L’animation porte la part de poésie que le parcours de Henri véhicule.
A ces matériaux viendront s’ajouter les images du tournage que nous allons réaliser : nous allons filmer Henri au présent, pendant un an, une semaine par saison.
Nous effectuerons alors un parallèle entre les saisons et les évènements de son histoire : la guerre dans le rouge de l’automne et des feuilles qui tombent, le Tchad dans les dunes de neige, la résistance dans l’éclosion d’un printemps, le réveil des sens et la renaissance, la vie pastorale durant l’été foisonnant.
Henri au Présent
Henri marche. Henri va de l’avant. Dès que le temps le permet, il part dans la montage. En été comme en hiver. La marche, c’est son rapport au monde et à la nature. Henri est un homme-territoire. Nous le filmerons ainsi. Henri aime s’éloigner des hommes pour s’enfoncer dans la nature sauvage. Il aime sentir le rythme de ses pas, sentir les odeurs de la nature, saisir le passage d’un animal sauvage, s’émerveiller de la beauté d’un paysage, ressentir la fraicheur d’une cascade et écouter le silence de la montagne. Il aime la joie profonde et silencieuse qui l’anime à ce moment là.
Nous ferons donc de la nature un personnage secondaire, compagne fidèle d’Henri car elle l’a toujours accompagné dans ses pérégrinations. Nous y associerons les éléments : la danse sensuelle du vent dans les herbes hautes, le bruissement des feuilles, l’écoulement clapotant d’une cascade, le crissement des raquettes dans la neige fraîche.
Tout comme Henri sait soigner son sentier perdu avec bâton de marche, sécateur et piolet, Henri prépare sa randonnée toujours armé de son bâton de marche, d’une carte et d’une boussole. Parfois de raquettes et lampe frontale.
Les cartes l’ont toujours suivi et nous nous fierons à elles comme Henri à maintes reprises : lors des coups de main dans Paris, de son voyage jusqu’au Tchad, de son épopée de 700 km à dos de chameau, en Corée, Indochine, Algérie, et lors du réapprivoisement des sentiers perdus.
La scierie, lieu de mémoire, passerelle entre passé et présent
Au cours d’une ballade avec Henri, nous découvrons une ancienne scierie abandonnée. Dotée d’un étage et d’un sous sol, celle ci dévoile peu à peu ses secrets, chargée d’une vie passée et entourée d’une nature très présente et mouvante. Un carreau cassé, une cascade s’y reflétant, de la sciure aux accents boisés, des outils tranchants mais silencieux, une araignée y fait son nid, des oiseaux virevoltent. Entre passé et présent, cet édifice construit par l’homme et abandonné depuis sonne comme une métaphore des sentiers perdus mais tout comme les sentiers, Henri y prête une seconde vie.